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Pour l’abolition de la note scolaire
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Pan à la note ! Panote ...

 Pourquoi les professeurs mettent-ils des notes à leurs élèves ?

 Pourquoi, alors qu’aucun texte légal ne leur en fait une obligation, qu’ils ne risquent donc pas de sanctions pécuniaires s’ils s’en défont ?

 Pourquoi, alors que la note ne fait pas apprendre et qu’elle fait perdre du temps ?

 Pourquoi, alors que les parents ne peuvent rien faire avec le verdict (… votre fille a 5 – ou elle a 15 - sur 20 en chimie) puisqu’ils ignorent comment le professeur est passé d’une analyse multidimensionnelle de la prestation à une note unidimensionnelle ?

 Pourquoi, alors qu’en outre, les parents ignorent comment le professeur a fait apprendre en amont, ou le professeur a appris à noter, ce qui l’anime ? Quels paramètres relationnels entrent en jeu dans ce jeu unilatéral ?

 Pourquoi noter, enfin, alors que professeurs et parents ignorent les ressorts psychiques de l’élève soumis au questionnement ?

Charles Pepinster

Des bulletins par compétences, est-ce bien sérieux ?
Article mis en ligne le 28 novembre 2020
dernière modification le 12 août 2022

Que se passe-t-il quand un professeur doit ( !) faire un bulletin par compétences : acquis, en voie d’acquisition, non acquis ou attribuer des ++, +, +/-, - et même quelques - - en se souvenant des performances de chacun de ses élèves ?
Y croit-il vraiment ? Pense-t-il que c’est utile, que ça améliore l’apprentissage ? Ne regrette-t-il pas les bonnes vieilles notes ?
Que peut-il penser quand sa hiérarchie l’oblige à cocher des cases dans un bulletin ‘moderne’, faire un bilan fringant pour chacun de ses élèves plusieurs fois par an…alors que c’est archi- faux à la base puisque TOUTE connaissance est, par nature en évolution, en voie de réexamen, donc en voie d’acquisition... y compris la relativité d’Einstein !
Colette (1873 – 1954) a écrit : « L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais ».
Se simplifier la vie en validant uniquement la rubrique « En voie d’acquisition », partout c’est tentant et raisonnable, non ?
C’est vrai, ça : quand on peut faire imploser une faribole…

En mathématiques, ça n’en finit pas

Prenons un exemple scolaire simple : 6 x 7 = ? ...
"42", répond le récipiendaire. Pour le prof lambda, c’est "acquis", ça vaut un + +.
Mais l’élève sait-il que 6x7, c’est 3x14, c’est 1,5x28, c’est 0,75x56, c’est 75% de 56... donc 42 = 75% de 56, les 3/4...? puisque 6 sont les 3/4 de 8... Certains appellent ça la compensation croisée dans la multiplication... alors que celle-ci est parallèle dans la division où 42 : 6 = 21 : 3 = 10,50 : 1,5 = 5,25 : 0,75 = 7
Et le 6x7 peut encore être investigué : "Pour recouvrir exactement un rectangle de 42 cm2, à l’aide de 2 rectangles, il existe combien de façons" ? Et les enfants, groupés par deux, découvrent que 6x7, c’est 3x7 + 3x7, c’est 21+21... facile ! On accède à l’idée de la distributivité dans la multiplication.
Relance : … avec trois rectangles ?
Et ce n’est pas fini, jamais fini puisque je peux aligner 777777, grouper les 7 par deux et obtenir 3x14 ; en les groupant par trois, obtenir 2x21. On peut encore écrire 6x7 en 7x6 (la commutativité dans la multiplication), donc aligner 6666666 et réaliser des regroupements arborescents TOUJOURS en VOIE d’acquisition, nom d’un chien car ce qui est essentiel, c’est de se construire la grammaire des mathématiques, de découvrir les règles du jeu et non pas d’accumuler des savoirs inertes tels que 6x7= 42.
Et hop ! Une relance pour tous en duos (loin de l’individualisation compatissante pour les ’faibles’ qui ainsi s’affaiblissent) : "En duos (constitués par l’adulte), trouvez tout ce qu’on peut tirer, au choix de 4x8 ou de 9x6 ... ou de ce que vous décidez. Ecrivez vos trouvailles en grand sur une affiche qui sera échangée, exposée et discutée". C’est ça, la différenciation, la trouvaille d’une des "Mises en cent visages" chères à Montaigne, une variation pour TOUS.

En langue, c’est vaste aussi.

La notion de verbe non plus n’est jamais finie. Peut-on dire quand un élève domine tous les indices de la présence d’un verbe en français, en anglais, en grec ancien, en arabe ?

Toute science est sans limite

Quel astronome a "acquis" une connaissance + + des trous noirs, des astéroïdes ? Quel médecin sait tout sur le métabolisme ici et ailleurs, à tous les âges, en comparaison avec celui des bonobos ou des néandertaliens ? Que nous reste-t-il de l’ensemble des réactions chimiques de ces aïeux ?

En définitive, pourquoi vouloir jauger des compétences ?

Pour renseigner les parents ?
Mais, que font ceux-ci avec un bulletin par compétences ?
Ils le transforment souvent en notes en comptant le nombre d’acquis, non acquis, les + et les - pris pour argent comptant... ou par-dessus la jambe comme une vraie carabistouille. Toujours, cela se termine par un plouf : ça n’a pas fait avancer l’apprentissage d’un micron.
Bien crédules sont les parents qui imaginent le professeur capable de justifier son verdict ; celui-ci n’ayant que son empirisme comme boussole, lui qui n’a pas appris à "bulletiner" par compétences. Changerait-il d’avis s’il devait refaire la chronique des acquisitions d’un seul de ses dizaines de récipiendaires ? C’est probable.
On voit que même en mathématiques, en sciences, rien n’est jamais fini, mais pensons aux profs d’histoire (ou de philo, de langues...) dans le secondaire qui doivent évaluer par compétences des cohortes nombreuses : acquis, en voie d’acquisition, non acquis, pour chaque élève… à propos de la bombe atomique, du droit à la caricature, du Covid 19 ?
C’est amphigourique, non ? A moins que ce soit un avatar cagoulé d’une pédagogie du classement donc de la concurrence.

Constat

A partir de prémisses fausses, il arrive que tout un système logique se mette en place. C’est le cas du créationnisme. Celui-ci postule que le monde a été créé par Dieu dans sa complexité actuelle en 6000 avant J.C. ; cette croyance infondée débouche sur une certitude qui entraîne la réalisation d’écoles où s’enseigne cette falsification historique, la rédaction d’ouvrages abondamment illustrés, des conférences.
L’évaluation par compétences qui pourrait s’apparenter à une forme de trouble mental généralisé où, à partir d’une lubie pédagogique (prétendre mesurer le degré d’un savoir évolutif), toute une logique sournoise s’est construite.
Pire, c’est de la malbouffe pédagogique largement distribuée par des manipulateurs qui avancent masqués, rivés au mesurage de l’humain, donc prompts par des entourloupes, à l’exclusion des « en trop » et la promotion des « comme nous »… tout en dissimulant la façon d’enseigner.

Pour en sortir

Pour quitter la sèche évaluation par compétences, émule de la froide notation, et pour intéresser les parents aux études de leur progéniture, il existe d’autres moyens raisonnables et rigoureux, riches de vibration affective positive.
On peut citer : le portfolio qui raconte comment le savoir a été construit, le film vidéo où l’on voit sur l’écran (en famille !) la moitié de la classe "faire apprendre" du solide à l’autre moitié après étude avec le prof, le journal de bord où figurent toutes les recherches créatives et solidaires couronnées ou non de succès, la description des découvertes, l’audace d’inventer des règles généralisantes, le compte-rendu des duos d’entraide, bref un rapport sur les modalités d’apprentissage sans plus d’ornements pimpants mais vains comme les notes et les degrés d’acquisition que certains appellent de la poudre aux yeux.
Bref, il s’agit d’obliger chaque élève à raconter, voire faire découvrir à ses parents un/des apprentissage-s savoureux rencontré-s durant la semaine par le moyen qu’il choisit.
Il est sain, en effet, que les parents puissent admirer leur enfant, de le voir heureux d’apprendre sans menace, sans jugement. Ils en sortent eux-mêmes avantagés. L’harmonie entre les patents et leur enfant est, en effet, essentielle pour la construction d’une identité forte, équilibrée.

Foin donc de ces bilans de fumistes dont la rédaction est un véritable boulet, un moment de souffrance, une sorte de bête noire pour beaucoup de professeurs qui en sentent fortement la vanité. Finie cette posture dominante qui inclut ou exclut sans appel.
Assez de temps perdu à faire des comptes de margoulins
surtout en temps de pandémie où les jours sans école s’accumulent.
Non aux examens externes du genre CEB en Belgique heureusement remplacés par le chef-d’œuvre pédagogique ce moment chaleureux où, dans un exposé multidisciplinaire de plusieurs heures, l’aîné des élèves donne la preuve de ses compétences dans une action visant à instruire un public à charmer en interactivité
Ces examens obligatoires centrés sur le scolaire étroit ont été supprimés en 2020 à cause du corona virus et le ministère de l’éducation a osé dire qu’il faisait dès lors confiance aux équipes enseignantes pour diplômer elles-mêmes leurs élèves… donc rétablir un jour cet examen ce serait ne plus faire confiance. Grave, non ?

Mise en garde

Beaucoup de professeurs sceptiques face à l’évaluation par compétences, sont tentés d’en revenir aux notes dont leur scolarité les a imprégnés. Leur inconscient intoxiqué leur joue des tours car ils tombent ainsi de Charybde en Scylla.
Scylla, en effet, car je souligne pour eux l’inanité du chiffrage des productions d’élèves en ayant recueilli 1255 notes pour une même copie.
Là, 110 correcteurs ont tous attribué 15/20, tandis que 144 autres ont accordé 10/20… et 112 ont mis 0/20. Chacun de ces 1255 professeurs s’est cru clairvoyant mais qui a raison ?
Personne, pas plus que ceux qui disent évaluer par compétences.

Trois citations

« Le portfolio ou le dossier d’apprentissage dans lequel sont colligés les travaux importants de l’enfant, est considéré comme un outil plus adéquat que le relevé de notes pour évaluer le processus d’apprentissage » Rolland VIAU, Université de Sherbrooke. Québec.

« La surcharge de l’esprit par le système des notes entrave la recherche et la transforme nécessairement en superficialité et absence de culture » Albert EINSTEIN.

« Les nombres servent à mesurer ; quand on ne sait pas ce qu’on mesure, on se passe des nombres ». Albert JACQUARD.

En conclusion

Les évaluations quantifiées par toute sortes de nombres ou des degrés de compétence qui étiquettent arbitrairement mais masquent les apprentissages et le ressenti des apprenants sont insoutenables logiquement et moralement. Mais, paradoxe : des pédagogues diplômés, payés pour développer la créativité, l’esprit critique, la solidarité, l’opiniâtreté, la remise en question se voient obligés de suivre une toquade pédagogique ou de s’enfermer dans leur propre passé scolaire.
La mission des éducateurs est paradoxale, imposssible donc : émanciper des jeunes pour un monde à garder vivable et, à la fois, les imprégner de vénalité qui détruit notre planète.

Finis donc ces comptes d’apothicaire faux, desséchés et menaçants.

Vive les récits vivants et vibrants d’émotion assumés par les apprenants eux-mêmes fiers de montrer leurs conquêtes solidaires et créatives dans des domaines sans limites.

Appréciation de ce texte par le Professeur Jean-Pierre Pourtois, UMons

Belle analyse .Ton texte est plus qu’intéressant…il décape les esprits radicalisés par la deuxième modernité ( du XVIII au XX s. ) centrée sur les capacités , les compétences , les seuils , les objectifs… et le tout de façon à considérer nul celui ou celle dont la performance sort du cadre fixé . C’est éthiquement inacceptable sur le plan de nos valeurs démocratiques et humanistes actuelles. Ta production relève de ce que les sociologues appellent la troisième modernité avancée et que nous appelons, nous, plus volontiers la post-modernité .Ton travail est un bel essai de didactique cognitive.

Ch. P. pepinster